Les Jeux Olympiques de 1968 à Mexico

Les Jeux Olympiques de 1968 à Mexico

Un Salut pour les droits de l'Homme

Tommie Smith, John Carlos, Peter Norman, ces noms ne vous disent peut-être rien ? Et si je vous parle des Jeux olympiques de 1968 de Mexico ?

Le 16 octobre 1968, ces trois hommes ont fait de cette date, l’une des plus marquantes dans l’histoire des Jeux olympiques.

Du 12 au 27 octobre s’est tenue à Mexico la 16e édition des Jeux olympiques modernes. Les J.O. de Mexico sont considérés comme l’une des manifestations politiques les plus importantes qui ait eu lieu depuis les Jeux de 1936 à Berlin.

Mais alors, quel évènement s’est-il produit pour que cette date reste gravée dans les mémoires ?

Table des matières

Contexte politique de la ville d’accueil des Jeux olympiques de 1968

Dix jours avant l’ouverture des Jeux, des étudiants de Mexico protestaient contre l’utilisation par le gouvernement mexicain de fonds destinés aux Jeux olympiques plutôt qu’à des programmes sociaux. Ils ont été encerclés par l’armée sur la Places des Trois et ont essuyé des tirs. Plus de 200 manifestants ont été tués et plus de mille ont été blessés.

Contexte politique des États-Unis

Année de révolutions, de colère et de sang versé. L’année 1968 est caractérisée par l’assassinat de Martin Luther King, à Memphis, ou encore de Bobby Kennedy, tué deux mois plus tard à la suite de sa victoire dans la primaire démocrate en Californie. Divisé, le pays, vit au rythme de la guerre du Vietnam et combat pour la reconnaissance des droits civiques de la communauté afro-américaine. Les vagues d’émeutes se multiplient. Même si la ségrégation est abolie en 1964, elle persiste dans les mentalités en 1968.

Aux abords des Jeux olympiques, l’idée d’un boycott est envisagée, notamment dans l’équipe de l’athlétisme masculine dont la grande majorité de ces athlètes sont issus de la communauté afro-américaine. Cette idée s’estompe à l’approche des Jeux. Les athlètes consacrent leur vie pour leur sport et ne se voient pas y renoncer s’y proche du but.

L’idée du boycott meurt mais l’intention de protester demeure. Le but étant de dénoncer les injustices faites aux communautés noires aux États-Unis.

La rencontre du trio

Deux semaines avant les Jeux, les athlètes sont arrivés pour s’acclimater à l’altitude. Lors d’une séance d’entraînement, l’Américain Tommie Smith a croisé Norman pour la première fois. Il a demandé à John Carlos “Qui est ce petit blanc ?”. Carlos, qui le connaissait déjà, l’avait rencontré lors d’une compétition. Il a alors fait les présentations. Peter Norman racontera plus tard “John m’a dit qu’il me botterait le cul sur la piste pendant les Jeux.” “Autant Tommie était quelqu’un de posé, autant John était comme un chien enragé .”

Auto-portrait des médaillés du 200 mètres

Tommie Smith est un athlète né le 6 juin 1944 au Texas. Il est surnommé “Tommie Jet”. Il est le détenteur des records du 200 et 400 mètres. Smith considère qu’il a commencé l’athlétisme en 4e du primaire (soit en CM1). Il a fait des études de sociologie à San Jose State College où il s’entraîne sous la direction de Lloyd Winter en compagnie de Lee Evans et John Carlos.

Tommie Smith, athlète américain, médaillé d'or aux Jeux olympiques 1968
Tommie Smith- Anniversaire célébrité

John Wesley Carlos est un athlète américain né le 5 juin 1945 à New York. Doué à la fois en athlétisme et dans ses études, il obtiendra une bourse pour l’East Texas State University. Il va faire gagner son université en remportant son premier championnat de la Lone Star Conference. Après sa première année, il décide de partir étudier à San Jose State College. Il est entraîné par Lloyd Winter. En 1967, Carlos participe à la fondation du OPHR (Projet Olympique des Droits de l’Homme).

 

John Wesley Carlos- Wikipédia

Peter Norman est un athlète australien né le 15 juin 1942 à Coburg et décède le 3 octobre 2006 (à l’âge de 64 ans) à Melbourne. Il détient actuellement le record d’Océanie du 200 mètres (20 s 06). Issu de la classe ouvrière à Melbourne, il grandira dans une famille très impliquée dans l’Armée du Salut (la fondation l’Armée du Salut est engagée dans la lutte contre toutes les exclusions et pour l’intégration de tous dans la société) en Australie.

Peter Norman médaillé d'argent aux Jeux olympiques 1968
Peter Norman- Visions Mag

Les couloirs de la victoire

Le 16 octobre 1968, les huit finalistes du 200 mètres prennent place dans leur couloir, après un léger retardement du à la cérémonie du 400 mètres féminin. Cette course est l’une des plus attendues. Le stade est complet.

ligne d'arrivée 200m Jeux olympiques 1968- Mexico
Ligne d'arrivée du 200m masculin- RFI

Smith est au couloir 3, suivi par Carlos, Questad et par Norman au couloir 6. Le départ est lancé, chacun veut ramener une médaille et marquer l’histoire. Dans la dernière ligne droite, Norman, loin derrière remonte au classement, dépassant Carlos sans pour autant battre Smith qui est le premier à franchir la ligne d’arrivée. Le podium est alors constitué : à la première place Tommie Smith suivie par Peter Norman et enfin de John Carlos.

Le podium

Pour Tommie Smith et John Carlos, la cérémonie est l’occasion de montrer leur colère. Harry Edwards n’étant pas présent par peur pour sa vie, Carlos a endossé le rôle de représentant de l’OPHR (Projet Olympique pour les Droits de l’Homme). Ils veulent marquer le coup. Cependant, ils ne savent pas comment si prendre, contrairement aux rumeurs qui prétendent que tout avait été orchestré. Tout ce qui va précéder a été conçu en trois minutes dans les vestiaires.

La seule chose qu'ils savaient, c'est qu'ils allaient faire quelque chose.

Dans le tunnel, Norman va serrer la main de Carlos. Ce dernier apprécie le geste même si cela semble banal. C’est à ce moment précis que le plan se forme. John va demander à Peter ” Nous sommes impliqués dans le Projet Olympique pour les Droits de l’Homme. Est-ce que tu crois aux droits de l’Homme ?” . Il va alors répondre ” Bien sûr “. John veut alors lui donner le badge de l’OPHR. Tommie est quant à lui plus indécis ” Je ne voulais pas embarquer Peter là-dedans “. L’Australien va le rassurer en lui disant ” Je suis avec vous “.

Poing levé, podium 200 mètres des Jeux olympique 1968
Podium 200m masculin Jeux olympiques 1968- RFI
Podium Jeux Olympique de Mexico de 1968- protestation pour les droits de l'Homme
"Je serai avec vous",Norman - Le Devoir

Les trois hommes reviennent sur le terrain pour la cérémonie. Tous les trois portent le badge à leur poitrine. Chacun reçoit sa médaille. À la levée du drapeau, les Américains Tommie Smith et John Carlos, respectivement médaillés d’or et de bronze, se tiennent en chaussettes noires, la tête baissée, levant le poing fermé ganté de noir au même moment que l’hymne national débute.

À savoir : l’idée du gant vient de Peter Norman. Carlos ayant oublié les siens, l’Australien va leur suggérer de partager la paire de gants. C’est pourquoi sur la photo, ils ne portent qu’un seul au lieu de deux.

Leur geste avait non seulement pour but de rendre hommage à leur héritage afro-américain mais également de protester contre les conditions de vie des minorités aux États-Unis.

Lors de la conférence de presse qui a précédé, Tommie expose son opinion : « Nous avons gagné des médailles et reçu des applaudissements. Mais les Blancs estiment que nous, les Noirs, sommes des animaux. Quand nous avons manifesté sur le podium tout à l’heure, nous avons vu des Blancs tourner le pouce vers le bas. En fait, ils nous considèrent comme des animaux de cirque, à qui on distribue des cacahuètes ou des coups de fouet ». Carlos s’exprime à son tour sans en rajouter : « Vous tous, journalistes, vous êtes tous intéressés quand je suis sur la piste, mais une fois en dehors, je redeviens juste un négro et vous ne voudriez même pas me parler. »

Conséquences : carrières ruinées

Au lendemain de la conférence de presse, les deux athlètes américains sont bannis du village olympique et renvoyés chez eux. Le patron de la CIO avait mis en garde « J’avais dit que si des manifestations, venant de qui que ce soit, avaient lieu pendant les Jeux, les participants seraient renvoyés chez eux. Il n’y a pas de place pour de tels agissements aux Jeux olympiques. Selon eux, la manifestation allait à l’encontre des idéaux des Jeux olympiques.

Smith et Carlos sacrifient leur carrière par choix.

Tommie et John vont essayer de se tourner vers la NFL cela n’aura pas de grands succès. Smith reviendra dans le monde de l’athlétisme, à la fin des années 70 en tant qu’entraîneur. Les deux athlètes vont également être critiqués sans ménagement par la presse américaine et recevront des lettres de menaces de mort.

Quant à Norman, les conséquences ne seront pas aussi visibles que celles de ses deux camarades. Peter va être réprimé d’une manière différente sur le long terme. Par exemple, il ne sera pas sélectionné pour les Jeux de 1972 à Munich. Même s’il n’a pas eu de sanctions officiellement, il aura l’amère sensation de payer le podium de Mexico. Sa carrière professionnelle en sera grandement impactée. En 1999, il ne figurera pas parmi les 100 plus grands sportifs australiens du XXe siècle. Plus tard, il ne sera pas invité à la cérémonie des Jeux de Sydney, où se réunissent des dizaines de médaillés olympiques australiens.

Les retrouvailles du trio de choc

Smith, Carlos et Norman se retrouveront en 1991 lors d’un tournage pour un documentaire. Norman dira “Nous nous sommes regardés, et nous nous sommes mis à pleurer”, il ajoutera ” Je ne me souviens plus de ce que je leur ai dit exactement, ajoutait-il vingt plus tard, mais c’était quelque chose du genre : ‘Je ne vous ai pas vu depuis 20 ans, mais j’ai l’impression d’avoir été avec vous tous les jours’. “

Décès de Peter Norman

Le 3 octobre 2006, Peter Norman décède d’une crise cardiaque. Il avait 64 ans. Pour lui rendre hommage la fédération américaine d’athlétisme a fait du 3 octobre le ” Peter’s Norman Day”. Lors de ses obsèques, Tommie et Smith vont faire le déplacement pour faire leurs derniers adieux. Ils vont porter le cercueil.

Décès de Peter Norman. Smith et Carlos portent son cercueil. Australie
Tommie Smith et John Carlos porte le cercueil de Peter Norman- L'OBS

Smith et Carlos vont respectivement tenir un discours : ” Peter Norman, l’homme qui pensait qu’il ne pouvait pas avoir tort de faire ce qui lui semblait juste. Son héritage est un roc. Accrochez-vous à ce roc “. Carlos prend à son tour la parole en ajoutant : ” Ce soir-là, à Mexico, je pensais voir de la peur dans ses yeux, je n’y ai vu que de l’amour. Il n’a jamais baissé la tête ni détourné le regard. Racontez à vos enfants l’histoire de Peter Norman .”

Peter n'a pas brandi le poing, mais il a tendu la main

Statues leur rendant hommage

Au jour d’aujourd’hui, une statue a été érigée en hommage aux deux athlètes américains. Norman n’y figure pas. On peut la retrouver  en Californie, à l’université : San Jose State College.

Statue du podium des Jeux olympiques de 1968 à Mexico. Hommage à Smith et Carlos
Hommage à Tommie Smith et John Carlos- Demotivateur

Peter Norman va devoir attendre 2019 pour avoir une statue en son honneur à Melbourne. Cette statue le montre sur le podium des Jeux olympiques de 1968.

Statue de Peter Norman 2e du podium des Jeux olympiques 1968. Hommage
Peter Norman- Tripadvisor

La seule statue où apparaît les trois athlètes se trouve au Musée National de l’Histoire et de la Culture afro-américaine à Washington DC.

Statue des médaillés des Jeux olympiques de 1968
Tous unis pour l'égalité- nine.com.au

Si vous voulez en savoir davantage sur leur histoire, je vous conseille :

  1. Films et documentaires:
  •  Le documentaire “Salute” (2008)
  • With Drawn Arms (2020)
  • The Olympics in Mexico (1969)

2. Sites internet :

3. Vidéos YouTube :

Si vous êtes intéressé par l’athlétisme et les personnalités qui ont changé le cours de l’histoire, je conseille de lire un de mes articles précédents qui parle d’une femme qui a marqué l’histoire du sport féminin en athlétisme:

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